L'ARTE DEL LAMENTO
Académie Bach d’Arques-la-Bataille 2012 : Humeur
Samedi 1er septembre 2012 par Philippe Houbert
Les concerts du 24 août au soir nous ramenaient en l’épicentre du festival, l’église d’Arques-la-Bataille. L’ensemble Daedalus de Roberto Festa, trop peu invité en France, nous invitait à savourer ce que l’humeur mélancolique a pu générer sur le plan musical au dix-septième siècle. Nous ne nous aventurerons pas à essayer de résumer le contenu de la très intéressante conférence donnée sur le sujet du Lamento par Roberto Festa quelques heures auparavant. Mais au moins est-il bon de noter que, sous l’impulsion du mouvement humaniste de la Renaissance, cet état de l’âme, lié à l’un des quatre tempéraments, donna lieu au développement du Lamento, genre particulier de musique (vocale, mais pas que) qui, tout au long du dix-septième siècle, occupa le devant de la scène. Au sens propre puisque les premières manifestations du genre se retrouvèrent incluses dans les opéras (le lamento d’Ariane), mais, petit à petit, au sein d’oratorios, de cantates, puis dans des pièces parfaitement indépendantes.
Deux éléments principaux caractérisent ces œuvres : l’expression pathétique de la douleur par la répétition des mots ou des phrases (les 21 « Addio » de la serenata de Barbara Strozzi donnée ce soir-là) et l’utilisation, en basse continue, d’une série descendante de degrés conjoints diatoniques ou chromatiques comprise dans l’intervalle dune quarte, ce qu’on appellera la basse de lamento. On a ici l’un des exemples les plus parfaits de ce que la rhétorique a pu apporter à la musique de cette période : « l’affect comme expression formalisée », comme le résume parfaitement Roberto Festa dans le texte d’accompagnement au concert.
Si le chef italien et son ensemble avaient déjà procédé à une anatomie de la mélancolie (titre d’un enregistrement réalisé en 1998), le concert d’Arques abordait un répertoire très différent du précédent, centré cette fois sur l’Italie (à l’exception de la pièce de Schmelzer) et principalement dédié à des pièces vocales.
Si Maria Cristina Kiehr a bâti une partie de son immense carrière sur ce répertoire, le concert de ce vendredi 24 août a sans doute confirmé que Monika Mauch pouvait désormais inscrire son nom dans la succession de la chanteuse argentine. Après un Ballo delle Ombre de Cazzati où la musique semblait sortir de l’obscurité pour y retourner, celle qui fut l’élève de Jill Feldman sut nous envouter dans le magnifique Eraclito amoroso de Barbara Strozzi, parfait de
subtilité, de délicatesse, de sens des mots. Comme nous en avait prévenus Roberto Festa en conférence, le Lamentum Matris Euryali de Domenico Mazzocchi confirma à la fois l’extrême importance de ce compositeur dont tant reste encore à découvrir et l’invraisemblable originalité de ce début changeant de tonalité toutes les demi-mesures et utilisant toutes formes de procédés expressifs comme des glissandi. Monika Mauch s’y montra remarquable d’aisance technique et projetant les mots comme une liedsängerin qu’elle pourrait devenir un jour. Point besoin d’extraversion pour faire montre de théâtralité. Cette dernière naît de la seule rhétorique, ici parfaitement observée.
Dans le Folle è ben chi si crede de Merula, Monika Mauch sut nous bercer sur ce rythme de chaconne dont la répétition semblait domestiquer la douleur exprimée. Il convient ici de rendre hommage à l’inusable Hugh Sandilands, à la guitare et au luth, parfait accompagnateur. Suivait une Canzonetta sopra alla nanna de Tarquinion Merula, pièce immortalisée par la trop regrettée Montserrat Figueras, sans que l’interprétation qu’en donna Monika Mauch eût à souffrir de la comparaison.
Roberto Festa, qui avait laissé ses musiciens seuls sur scène durant la quasi intégralité du concert, vint se joindre à eux pour redonner le Ballo delle Ombre de Cazzati, le bis restant au même compositeur, la Gigue dite La Bargellina. Magnifique concert et très grande chanteuse dont on espère plus de présence en France.
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Académie Bach d’Arques-la-Bataille 2012 : Humori
Sabato 1 settembre, Philippe Houbert
Il concerto del 24 agosto ci riporta nell'epicentro del Festival, la chiesa di Arques-la-Bataille. L’ensemble Daedalus di Roberto Festa, troppo poco accolto nei Festival in Francia, ci invitava ad assaporare quanto l'Humore malinconico ha potuto generare nel XVII secolo.
Non ci avventuriamo a cercare di riassumere il contenuto dell'interessantissima conferenza che Roberto Festa ha tenuto sul Lamento qualche ora prima del concerto, ma ci sembra giusto ricordare che nato nelle fucine della Rivoluzione Humanista, il Lamento conquisterà la scena all'inizio del XVII secolo e che costituirà un punto essenziale dell'opera nascente del primo barocco.
Due elementi lo caratterizzano retoricamente: l'espressione patetica del dolore esasperata dalla ripetizione (anadiplosis) di parole e/o frasi (nella Serenata di Barbara Strozzi le parole "Ultimo Addio" sono ripetute ben 21 volte), e l'uso di un ostinato discendente diatonico o cromatico. Abbiamo qui l'esempio più perfetto di quanto la retorica possa apportare alla musica in questo periodo: "l'affetto come espressione formalizzata", come riassume a perfezione Roberto Festa nel testo che introduce il concerto.
Se il direttore italiano e il suo Ensemble avevano già proceduto ad "un'anatomia della malinconia" (titolo di un CD realizzato dall'Ensemble nel 1998), nel concerto ad Arques Daedalus abbordava un repertorio completamente diverso dal precedente, centrato sull'Italia e sul suo repertorio vocale.
Se Maria Cristina Kiehr ha costruito una parte delle sua carriera immensa su questo repertorio, il concerto di venerdì 24 agosto ha induscutibilmente confermato che Monika Mauch può inscrivere il suo nome tra i successori della cantante argentina. Dopo un Ballo delle Ombre di Cazzati dove la musica sembrava uscire dall'ombra, ma solo per ritornarci, colei che fu allieva di Jill Feldman ci ha trasportato e sedotti col magnifico Eraclito amoroso di Barbara Strozzi, perfetto nelle sfumature, nella delicatezza, nell'attenzione al senso della parola.
Come ci aveva avvertito Roberto Festa nella conferenza, il Lamentum Matris Euryali di Domenico Mazzocchi, conferma l'importanza di quest'immenso compositore ancora troppo poco conosciuto : una scrittura la sua sempre originale che, in questo caso, si traduce con continue modulazioni, dissonanze, glissandi. Monika Mauch, perfettamente a suo agio anche questa volta, si distingue per il controllo tecnico della voce degno della liedsängerin che sarà presto. Nessun bisogno di estroversione per ostentare teatralità. Questa nasce unicamente dalla retorica, qui perfettamente osservata.
In Folle è ben chi si crede di Merula, Monika Mauch ci culla al ritmo di una Ciaccona le cui ripetizioni sembrano addomensticare il dolore. È giusto qui rendere omaggio all'istancabile Hugh Sandilands, alla chitarra e al liuto, perfetto accompagnatore.
Segue la Canzonetta sopra alla nanna di Tarquinio Merula, pezzo reso immortale dalla troppo rimpianta Montserrat Figueras, senza che l'interpretazione di Monika Mauch abbia di che soffrire nel confronto.
Roberto Festa, che aveva lasciato soli i suoi musicisti sulla scena per la quasi totalità del concerto, si ricongiunge a loro e conclude rioffrendo il Ballo delle Ombre di Cazzati e il bis, la Gigue detta La Bargellina dello stesso compositore.
Magnifico concerto e grandissima cantante che speriamo vedere ed ascoltare più spesso in Francia.