top of page

Morte que fay - Heinric Isaac

Omnis spiritus laudet - Jacob Obrecht

Ya no quiero - Juan de l'Encina

Romerico - Juan de l'Encina

EL CANCIONERO DE LA CATEDRAL DE SEGOVIA

Le Cancionero de la catedral de Segovia constitue, de par la nature de son contenu, l'une des sources les plus intéressantes du répertoire franco-flamand et castillan de la fin du XVè siècle. En effet, ce manuscrit réunit les éléments caractéristiques du Libro corale (9 messes complètes, 4 fragments de messes, 4 magnificats); du Liber motetorum avec des textes sacrés et profanes; du Liedrebuch flamand (36 compositions aux incipit en flamand), du Cancionero espagnol (39 compositions sur des textes sacrés et profanes d'auteurs castillans) et du Chansonnier français (48 Å“uvres avec incipit en français). 204 Å“uvres au total, avec des textes en cinq langues différentes (dont, entre autres, 7 compositions sur des textes italiens), signées de 21 compositeurs parmi lesquels: Obrecht, Isaac, Agricola, Compère, Anchieta, Caron, Eline, Hayne, Josquin, Martini, Tinctoris.

 

Il y a, par ailleurs, trois autres raisons majeures pour lesquelles le contenu du Chansonnier de Ségovie est particulièrement important:

- La présence de 97 œuvres uniques, c'est à dire un nombre remarquable de compositions qui ne figurent dans aucun autre manuscrit de la même époque.

- Le Chansonnier de Ségovie est un des rares manuscrits espagnols à comporter à la fois le répertoire castillan sacré et profane.

- Le Chansonnier de Ségovie est l'un des rares manuscrits espagnols où figurent en même temps le répertoire castillan et celui d'autres pays d'Europe.

 

La structure du manuscrit en fait ainsi une Å“uvre unique, et un point de référence essentiel pour la connaissance des répertoires sacré et profane de la fin du XVè siècle.

 

La musicologie moderne doit ce précieux manuscrit à Higinio Anglés, qui le découvrit par hasard en 1922, dans les archives de la cathédrale de Ségovie. L'origine espagnole du manuscrit fut évidente dès l'abord, à cause de la nature du papier – identique à celui utilisé pour les documents officiels de la cour d'Isabelle de Castille. Anglés en conclut que le manuscrit devait avoir appartenu à la collection des Libros e cosas de musica, de la Capilla Musical de la cour de Castille.

Pour formuler une hypothèse sur l'origine du manuscrit, il fallait trouver une justification à la présence en aussi grand nombre de composition sur des textes flamands (36 avec incipit en flamand, sur 94 dont le texte n'est pas en latin) dans le Chansonnier de Ségovie. C'est le texte d'une chanson de Compère qui aida à dater ce précieux recueil. Il s'agit de Vive el noble Rey, qui fait allusion à la conquête de Milan en 1499 par Louis XII de France. Le manuscrit fut compilé, donc, après 1499 et avant 1503, année où les livres de musique furent déposés par la reine Isabelle à l'Alcazar royal de Ségovie. L'origine du Chansonnier, quant à elle, doit se situer en 1501.

 

Cette année-là, en effet, Philippe le Bel, archiduc d'Autriche et de Bourgogne, époux de Jeanne d'Aragon, se rend en Espagne, où il est désigné comme successeur au trône de Castille-Aragon. Au cours de son voyage, qui a duré deux ans, l'archiduc était accompagné par la chapelle musicale de Bourgogne. Ses musiciens étaient souvent invités à exécuter leurs compositions, et il subsiste de nombreux témoignages des contacts entre les musiciens des deux cours, celle d'Espagne et celle de Bourgogne. En 1502, la cour de Philippe le Bel fut accueillie à Tolède durant quatre mois. Le "Chamblain" Le Laing décrit ainsi la messe du 15 mai: "Les chantres du roy chantèrent une partie de la messe, les chantres de Monseigneur l'autre partie; avoecq lesquels jouoit du cornet maistre Augustin. Ce qu'il faisoit estoit bon à oyr, avoecq les chantres". En 1503, Isabelle  visita Ségovie, où elle remit les "Livres et choses de Musique" à l'Alcazar royal.

 

Le Chansonnier de Ségovie se présente ainsi comme le journal d'un voyage vers l'Espagne des musiciens des deux cours. Il s'agit de l'unique document susceptible de donner une idée de ce que devait être le répertoire du jour dans les pays traversés pendant cet interminable voyage. Le nombre important de textes flamands dans le manuscrit castillan trouve sa justification dans la coexistence prolongée des deux cours. Les années passées ensemble on fourni l'occasion de mieux connaître non seulement le chant des Flandres, mais encore le répertoire en vogue à l'époque dans toute l'Europe. En effet, les musiciens espagnols pouvaient – lors de leurs déplacements – copier des fragments de manuscrits de leurs collègues du nord, et transcrire la musique qu'ils entendaient exécuter.

 

Dans le Cancionero de Segovia, tout se passe comme si les musiciens d'Espagne avaient un jour ouvert une fenêtre, et avaient pu admirer le paysage musical de l'Europe tout entière. Les chants des pays d'outre-Pyrénées étaient sans conteste le souvenir le plus précieux que les musiciens espagnols pouvaient garder d'un aussi long voyage.

 

bottom of page